Le défilement des saisons, le déchaînement des passions et la parole fondatrice du poète dans Mystère de la parole
Nathalie WATTEYNE
La différence très marquée aux plans rythmique, syntaxique et de l'énoncé entre Le tombeau des rois et Mystère de la parole a suscité plusieurs commentaires qui vont dans le sens d'une émancipation du sujet, par rapport à un repli sur soi plus manifeste dans le premier recueil. Il convient de nuancer cette interprétation, car on observe dans Mystère de la parole un sujet passif et rêveur, ainsi que des formes de subordination à l'autre qui provoquent une immobilisation des forces comparable à celle qui s'exprime tout au long du Tombeau des rois. Et si Poèmes a été publié à l'aube de la Révolution tranquille, bien des textes qui composent le deuxième volet de ce recueil ont été écrits et sont parus en revue peu de temps après certains textes figurant dans le Tombeau des rois. La distinction n'est donc pas non plus à établir du côté de la libération du sujet collectif québécois sorti de la noirceur duplessiste. Elle consisterait dans la manière inédite d'occuper l'espace et le temps et dans la conquête de nouveaux territoires. Au défilement des saisons, qui correspond au temps de l'attente, s'oppose le déchaînement des forces cosmiques, vent ou orage qui prélude à l'ivresse des sens et à l'ardent désir du sujet marginal, dont la plénitude tient à son alliance avec le monde, et que la figure archétypale du poète a pour mission de consigner.