L'absence et le désir : Anne Hébert, Margaret Atwood, et l'héritage du fantastique
Arnaud Huftier
Cet article part d’un constat : la difficulté d’associer fantastique, Canada et femmes, en dehors d’une simple approche panoramique au gré de parcours singuliers. Refusant une telle approche, il convient dès lors de voir ce qu’implique cette dynamique associative, et de percevoir comment l’association permet de dégager, si l’on refait le parcours inverse, de nouvelles perspectives pour chaque terme. Pour bien délimiter le territoire de cette dynamique associative, on s’interrogera dans un premier temps sur le piège et le catalyseur que représentent les théories franco-française et anglo-étasunienne du fantastique et du gothique pour le Canada. Ce cadre permettra de mieux cerner l’élan particulier qui s’installe à partir des années 1970 : on abordera alors les récits à effets de fantastique non comme une catégorie à part, mais comme des textes qui reflètent de manière étonnante, aux plans institutionnel et métaphorique, ce qui se joue tant au Québec qu’au Canada quant à la volonté de créer des canons susceptibles d’apporter des formes d’autonomisation littéraire. Dans un second temps, on prendra pour mesure deux auteures: Anne Hébert et Margaret Atwood. Si leur production ne présente qu’épisodiquement des effets de fantastique, nous entendons aborder chez elles les récits de ce type non comme des hapax, mais selon leur exemplarité, et leur capacité de réfléchir ce qui se joue en cette période : les parcours singuliers seront appréhendés par le prisme de la dynamique associative fantastique, femmes et Canada, et permettront de dégager de nouvelles pistes de lecture.