Les enfants chargés de songes ou l'illusion patriarcale dans l'œuvre romanesque d'Anne Hébert
Katri Suhonen
L'obsession des personnages hébertiens pour leur origine est bien connue. Nombre de chercheurs ont également signalé l'attirance de l'homme hébertien pour le féminin, attirance qui génère sa colère, le principal trait distinctif de la masculinité dans cette œuvre selon plusieurs interprétations. Notre étude se penche sur le personnage masculin dans quatre romans d'Anne Hébert (Les chambres de bois, Héloïse, Le Premier Jardin, L'enfant chargé de songes) afin d'y extraire un schéma type qui présente le fils de la famille hébertienne en tant qu'actant hanté par les mêmes désirs et troubles dans plusieurs romans de l'œuvre. Le fils se trouve impliqué dans un triangle œdipien transformé : le père y a été remplacé par une amante ou une épouse qui fait concurrence à la mère et qui invite (à l'exemple du père dans le modèle œdipien habituel) le garçon à sortir de la symbiose préœdipienne. Ce triangle impose au fils un choix : sortir de l'enclos préœdipien (vers le monde où l'homme, tout comme la femme, est soumis à des codes de comportement précis), ou retourner à la symbiose maternelle et refuser le modèle proposé par la société. Les jeunes hommes optent pour la deuxième voie, choix qui met en doute leurs présumées ambitions patriarcales.